DES SECRETS BIEN GARDÉS
Bercé aux temps anciens
Un peu d’Histoire…
À mi chemin entre Le Mans et Tours, lambeau de l’antique forêt de la gaule chevelue, Bercé n’a pas, au fil du temps, échappé aux défrichements. Déclaré “Res nullius”, l’espace forestier ou non est alors une terre sans maître, qui n’est possédée par personne mais que se disputent tous les usagers. Les traces néolithiques, les minières gallo-romaine et les enclos moyenâgeux jalonnent alors cet espace sauvage.

Minières de la Coudre - Vue Lidar
La première richesse de Bercé fut la metallurgie.

Minières validées sur la carte après vérifications sur le terrain
Elle procura aux hommes les outils necéssaires à l’exploitation forestière. Les récentes découvertes paléométallurgiques sur le tracé sud de l’A 28, confortées par la carte des sites forestiers en Bercé et du potentiel minier autour du massif, bouleversent les connaissances acquises jusqu’à présent sur le sujet, où seul le nord de la Sarthe apparaissait dans le paysage Minier.

La vallée de Sermaise et ses éléments archéologiques
l’agriculture bouleverse le paysage
Les cultivateurs mirent en place les premiers parcellaires ou enclos.
Notre région éminemment forestière offre en pleine “Paix Romaine” une insécurité totale, car cultivée suivant le mode Celtique, par clairières isolées. Marc Bloch
Vers l’An mil, l’implantation de colonies religieuses en forêt marque aussi le début des grands défrichements médiévaux.
Sur Bercé, plus de 160 enclos sont recensés, terre rejetée à l’intérieur de la possession, formant talus, opposant par là même un double obstacle à l’intrus. Rassemblés en “en grappe”, situés sur les hauteurs fertiles, les enclos se dotent d’un point d’eau et d’un accès aisé. De quelques ares à plus de cinquante hectares, la disparité des surfaces en dit long sur la hiérarchisation des possesseurs. Ces enclos coïncident toujours avec une occupation humaine plus ancienne (exemple les Ferriers ou camps protohistoriques).
Au fil du temps, le passage sans cesse répété de ces hommes courageux et de leurs bêtes a creusé et raviné des chemins, laissant çà et là des traces indélébiles tel, le “Coin des fossés” (ancien canton de 1783 situé Parcelles 241 et 242), véritable passage obligé de toute une époque en fond de vallon.
Au 12e siècle, la forêt est ratachée aux possessions de la couronne d’Angleterre.
Elle redevint forêt royale en 1337. Réserve royale de chasse et grevée de droits divers, elle est traitée depuis 1669 (date de la grande réformation des forêts par Colbert) en futaie régulière de chênes et de hêtres.
Bercé, à cette date et contrairement à beaucoup d’autres, est en bon état et n’a pas trop souffert d’abus.
La féodalité et le clergé garants du patrimoine
Dépendant de la baronnie de Château du Loir, la forêt de Bercé était aussi le fief de quantité de hobereaux, ou de seigneurs locaux. Des maisons seigneuriales et des logis, il y en avait dans chaque villages. Les abbayes jouissaient du terrain qui leur était accordé.

L'abbaye de Grammont au nord de Bercé
Nombre de logis et châteaux d’églises et de maisons ont utilisé pour leur charpentes ou leurs boiseries, le bois de la forêt.
Le matériau bois prend de l’essor.
Le vieux château des Étangs, à Saint Vincent du Lorouër, près des Sources de l’Hermitière, existe depuis le XI° siècle. Il abrita en ses murs de nombreux veneurs dont le plus célèbre fut sans doute le puissant archevêque de Reims, Gervais de Château du Loir (XIème siècle).
Hilarion de Fromentière, seigneur des Étangs est du fait de sa charge de gestionnaire de la forêt royale de Bercé, intimement lié à ce terroir.
Au nombre des importantes forêts visitées par les réformateurs de Colbert, se trouvait la forêt de Bercé (Maine). La mission s’y transporta le mardi 8 octobre 1669 et y resta jusqu’au 17 inclusivement, elle était assistée entre autre de Hilarion de Fromentières, chevalier, seigneur des Étangs, maître particulier ancien et alternatif de la maîtrise de Château-du-Loir.
La forêt Royale en 1669

Plan de la forêt royale de Bercé en 1669
Les forestiers de 1669 n’avaient qu’à être les continuateurs de leurs devanciers dans l’exécution des prescriptions de la nouvelle ordonnance de Colbert qui ne faisait elle-même que confirmer le régime à tire et aire (1) et les modes de repeuplement recommandés pour les futaies par les ordonnances antérieures, notamment par celle de Charles IX, de 1573.
• (1) Tire et aire : méthode ancestrale d’exploitation pratiquée en réalisant des coupes de proche en proche (« à tire ») et des coupes rases d’égale surface (« et aire »), avec ou sans réserve de semenciers à cette époque. La forêt à l’époque n’était pas divisée en parcelles.
Les officiers de la maîtrise ne se bornèrent pas à pratiquer le nouvel aménagement et à faire les repeuplements prescrits par les réformateurs en améliorant l’état de la forêt. Ils arrivèrent aussi à augmenter la forêt d’environ 1200 hectares, fait qui doit être assez rare dans l’histoire des forêts domaniales (Potel).

Acquisition des nouveaux ensemencés de 1723
Ainsi des arrêts du conseil du roi (lettres patentes des 13 et 25 septembre 1723) ordonnèrent, la réunion au corps de la forest de Bercé appartenant à sa majesté et le reboisement des landes de Longuebranche, dites de Grammont (300 arpents) et des landes de Haute-Perche (2000 arpents).
C’est le début d’une ébauche de la sylviculture et d’une forêt organisée.
Elle ne couvre alors que les 3/4 de la surface actuelle. Le reste est acquis en 1723 (Landes de Grammont et de Haute Perche).
A la révolution, Bercé fait partie de l’apanage de Monsieur :
Louis XVIII le Désiré . En 1791, elle passe dans le domaine de l’État. L’âge d’exploitabilité des chênes, abaissé de 200 à 100 ans en 1783, est heureusement ramené à 150, puis 180 ans avant la fin du 18e siècle.
La forêt a bien eu à souffrir de quelques abus pendant la période révolutionnaire.
Tout est à peu près rentré dans l’ordre en 1827
…au moment de la promulgation du Code Forestier en 1827.
Jusqu’en 1843 l’on constata la présence de vide bien souvent laissés par l’agriculture et l’élevage.
Depuis, l’Administration des Eaux et Forêts, relayée par l’Office National des Forêts en 1966, s’efforce de gérer la forêt de Bercé de la manière la plus naturelle possible afin de conserver l’un des plus beaux fleurons du patrimoine forestier français.

Les ensemencements de Bercé
L’âge d’exploitabilité des chênes qui était il y a peu de 240 ans
a été ramené au dernier aménagement à 180 ans.
Le bois d’œuvre de chêne de Bercé a acquis au fil du temps,
une réputation mondiale, peu d’aubier, grain fin, belle
couleur claire, qui le fait rechercher pour l’ébénisterie et le tranchage
(fabrication de placage de moins de un millimètre d’épaisseur).
Aujourd’hui Bercé est avant tout un cru pour la tonnellerie qui lui redonne ses lettres de noblesse et lui fait renouer avec ses racines Gauloises.

Tonneaux de provenance Jupilles chez Martell à Cognac
Bibliographie :
Bercé, une forêt d’exception (Y. Gouchet - 2018)