DES SECRETS BIEN GARDÉS
Les bûcherons
En 1905 la forêt de Bercé produit:
Des harts : délivrance aux ouvriers des marchands ou aux facteurs de coupe en 1870 – 1884 Des attelles de colliers, fagots, Bourrées, bois de feu, écorces, copeaux (bois de fascinage et piquets 1882) Du hêtre pour l’aviation (en mars 1918), des bardeaux, traverses, étais de mine : (1932), hélices d’avion (2 déc. 1936 pour le chantier Cartereau). Du bois d’œuvre, de Marine, des Madriers, Planches, Parquet, Merrain (1937) et cercles de tonneaux en châtaignier (ligature en osier), Alumettes en bois de Peuplier et de tremble (usine à Trélazé 49) Poteaux télégraphiques 1942 -1948. Lattes pour treillage – clôture - toiture, des articles de boissellerie, du bois de Sabotage 1948 (hêtre aulne : 1m3 de bois pour 150 paires), pour montures de brosse, boissellerie (Jupilles, Pruillé, St Vincent) fabrique de jouets et meubles rustiques (Château du Loir) Pelles de four (Orne). Menuiserie de voitures : charronnerie (orme, charme un peu moins le chêne) carrosserie de wagon, tramways, autobus) (Renault Le Mans) Tous ces petits métiers ont pour dénominateur commun …. le bûcheron.
Travail le dimanche
Note de l’Inspecteur, Mr de Verely à Mr. l’Inspecteur Adjoint ( mars 1899 )
Je constate que certains préposés de l’Inspection du Mans ne connaissent pas suffisamment les cahiers des charges et des clauses spéciales des coupes à exploiter ; je crois même que pour les délits ordinaires ils seraient très embarrassés de viser dans leurs procès-verbaux les articles du Code Forestier, de la Chasse, ou de la Pêche, en vertu desquels ils constatent des contraventions. Jusqu’à nouvel ordre, ils devront dorénavant indiquer au bas des feuilles de renseignements, les articles de ces Codes, des Cahiers des Charges et des Clauses Spéciales etc…en vertu desquels ils auront verbalisé. Plus tard, quand ils connaîtront suffisamment leur service, ces articles seront visés sur les procès verbaux même. Je compte sur vous pour donner les instructions nécessaires afin que les préposés sous vos ordres soient capables d’ici peu de remplir leurs fonctions d’une manière plus intelligente. Vous aurez à me signaler ceux qui montreront de la mauvaise volonté à se mettre au courant de cette partie très importante de leur service.
Puis ce fut des rappelsv incessants jusqu’à la grande guerre !
Note du 13 février 1905 du Brigadier Marsac (les Renardières)
Hier j’ai constaté que les ouvriers de la coupe des profonds vaux
( A5 ) travaillaient le dimanche sans permission spéciale de
Mr. L’inspecteur ainsi que le prescrit l’article 66 du cahier des charges.
J’invite tous les gardes à faire cesser cette irrégularité dans leurs
coupes etc.…. partout où les règlements l’ interdisent et j’appelle
spécialement leur attention sur la grande responsabilité qu’ils
assument en laissant faire les ouvriers etc.., car un accident,
un incendie mis par leur faute peut éclater ces jours là, et les
adjudicataires diraient qu’ils n’ont point commandé leurs ouvriers.
Donc quand ceux ci voudront travailler le dimanche, ils n’auront
qu’à le faire demander par leur patron à Mr. L’inspecteur .
Note du 21 mai 1913 de Mr. l’inspecteur Ducellier (Le Mans)
Les Adjudicataires ne peuvent faire travailler le dimanche sans
une autorisation : Art.66 du Cahier des Charges. Pourquoi les gardes
n’ont ils pas déjà constaté cette infraction ?
Note du 27 mai 1913 du Brigadier Esse (les Renardières)
Je constate depuis quelque temps, dans les tournées que je fais
le dimanche, que beaucoup de bûcherons et de charretiers travaillent
dans les coupes ce jour là.
L’article 66 du cahier des charges interdisant aux adjudicataires de
faire travailler le dimanche, les gardes auraient dû, depuis longtemps
constater cette infraction. Monsieur l’inspecteur adjoint me charge de
le rappeler aux préposés de la 1ère brigade.
L’exploitation des bois est le fait du marchand qui emploie ses bûcherons.
Sur la photo, une équipe de trois bûcherons pose avec le facteur de coupe ou garde vente, en compagnie du Préposé des Eaux et Forêts Louis Pigault, lorsque celui ci occupait le poste de la Maison Forestière des Clos, vers 1920.
Mr. Massicot travaillait comme facteur pour la maison CAREL du Mans qui faisait du Merrain. Il avait une roulotte avec un cheval. (Maurice Vérité). Dupré, de Beaumont était celui de la Maison Ferrant.
En 1928, les adjudicataires ne sont plus tenus d’avoir des gardes ventes, ils en conservent la possibilité (article 31 du nouveau code forestier).
Les bûcherons venaient travailler en vélo ou à pied. Certains laissaient leurs outils en Forêt, cachés sous branches et feuillages. Ils craignaient nullement l’acte de malveillance. Bien avant Guerre, l’abattage des arbres de futaie à “culée noire” c’est à dire avec extraction de souches, de façon à récupérer une quantité appréciable de bois de chauffage était coutume dans toutes les coupes de régénération feuillue. Cela concernait donc une grosse majorité d’arbres exploités de cette façon.
Au dire du Brigadier Poumerol le 23 juin 1942 : «sans aucun inconvénient, ni du côté des bûcherons, ni du côté des marchands de bois». On n’a pas toujours été heureux à bûcher les souches, témoignera plus tard Édouard Guillier (Éhouppeur et Bûcheron).
“Je me souviens des bûcherons Chignard et Vérité, qui extrayaient les souches à la dynamite » nous dit Maurice Vérité dont le père était Charretier”.
– Édouard Guillier

Le père Ciret et le premier tire-fort en 1964
Coût de la vie en 1938
Abattage d'un arbre selon grosseur de:
2 à 6f le pied.
Découpe de grume en coupe d'ensemencement
2f le pied.
Éhouppement sur pied :
20f le Pied.
Façonnage de résineux - Écorçage compris :
14f/ M3 réel.
Abattage d'arbre par extraction de souche :
16 à 25f/Pied.
Débardage de grumes et étais:
20f/m3 réel en ensemencement -
10f/m3 réel en éclaircie
Transport sur route pour 10 kilomètres :
10 à 50f le m3 selon grosseur.
Prix de façon du stère de chauffage et charbonnettes :
8 à 10f/st.
Fente du stère :
4 à 5f/st.
Bourrées, résineuses et feuillues :
30f le cent (en 1937) .
Les culées, les fagots, les "écarios", et les copeaux,
étaient vendus par les bûcherons.
Gaston Masseau est né en 1914 de parents Agriculteurs sur Pruillé.
Les 3 frères : Gaston, Jules (né en 1915) et Bernard (né en 1926) deviennent par la force des choses bûcherons.
Il fallait bien vivre et ce n’était pas le petit bordage qui procurerait du travail à ces trois solides gaillards.
Gaston l’aîné, arrêta son activité vers 1978. Il était connu de tous, pour le port immodéré des sabots qu’il n’avait jamais quittés, lui déformant à vie les pieds tout en leur donnant de la corne. La terre venait sournoisement s’immiscer à l’intérieur des sabots s’accumulant dans les pointes!
Le métier de bûcheron, Gaston l’exerçait au début avec Maxime Claudot né en 1901.
L’on travaillait l’hiver en Forêt comme bûcheron et l’été à la
briqueterie de Pruillé.
La terre des briques était prélevée sur place, il fallait faire
1000 briques minimum dans la journée, certains
en faisaient 2000. En forêt, nous avons longtemps travaillé pour
Ballion : ce chose quoi**, il était bien gentil, on avait toujours
du travail, puis à la fin , pour d’autres marchands de bois
(Ballion, Landais d’origine, terminait ainsi (**) toutes ses phrases.
Les extractions de souches à la hache étaient très difficiles,
mais à la tronçonneuse on y arrivait plus vite et mieux.
On tirait partie de tout, on vendait les copeaux
(du temps de l’abattage à la cognée) et les fagots,
cela nous revenait.
L’important c’était d’avoir de la l’affût.
Claudot affûtait bien, moi j’étais pas un champion,
sur la coupe on montait un balay avec des planches fournies
par le patron.
On mangeait pas souvent du beefsteak mais on se nourrissait bien.
Quand il pleuvait ou quand cela nous prenait,on faisait des petites
fêtes entre nous. On n’était pas embêté par les Gardes,
ils étaient habitués avec nous, en plus ils étaient presque
tous du « Pays ».

Les familles Le Meunier et Ciret
Bernard, quant à lui, se souvient de cet accident arrivé dans les années 60/61, dans le Sault Moulin. Le Père Trouvé, originaire de Pruillé mais résidant à Marigné, bûchait dans de l’efforage. Bernard et ses frères qui travaillaient à proximité se dirent soudainement : « il y a une sente pas ordinaire, on dirait des vêtements qui brûlent »
Ils se dirigèrent vers le balay d’où sortait la fumée et y trouvèrent le père Trouvé carbonisé jusqu’à la ceinture (dans le feu de bois qu’il avait allumé). Fut-il pris d’un malaise ? Nul ne le saura jamais.
L’imagerie d’Épinal des bûcherons Chignard et Vérité, abattant les arbres séculaires de la parcelle 194 (parcelle du célèbre chêne de Gaie Mariée) à grands coups de cognée: c’est fini.
La cognée était audible à près d’un kilomètre. L’expression : “l’ouïe de la cognée” (zone de 170 m autour de l’arbre abattu, qui rendait l’acheteur juridiquement responsable de tous délits dans ce rayon) est disparue du code Forestier depuis 1906 et condamnée par l’évolution des techniques et l’utilisation de la tronçonneuse (1963).
On s’y plaisait en Forêt ! Au début c’était la cognée (la hache), ce qui nous a sauvé ce sont les tronçonneuses.
– Gaston Masseau, Juin-1998
Avant le passe partout, les bûcherons s’appliquent à moiner le pied, c’est à dire à l’égobeler ou lui ôter les hanches.
Bercé c’est aussi une série résineuse de 2500 ha, moins prestigieuse que les 3000 ha de chênes, mais plusouvrageuse. Edouard Guillier (quand il n’éhoupait pas) abattait les coupes pour Garnier, marchand de bois à Mayet et pour bien d’autres encore.
La famille Pichon, a fourni en Bercé des bûcherons de père en fils depuis des générations. Alfred (émondeur), Émile Daniel, Joël, Michel, dont le Père Raymond et le Grand Père Jules était aussi Bûcheron, pare le 5 décembre 1985 le plus gros chêne des Clos (1 m 40 de diamètre), qui a été vendu la bagatelle somme de 113.000F HT soit 17.227 €.

Les frères Pichon et Denis Legeay
La famille Robert est aussi source de main d’œuvre, avec René Robert (débardeur), Gaston le père, Pascal le fils puis Nicolas le petit fils (tous bûcherons).
Voici Nicolas en mode bûcheronnage années 70
C’est à dire sans le casque et la visière. © Reportage : FR3 - (3'44")
Et voici le film des derniers instants d’un chêne âgé de 350 ans, dans la futaie des Clos en forêt de Bercé, abattu pour le compte de la Tonnellerie Sylvain. Il sera transformé en barrique pour des vins de prestige © Reportage : Le Petit Courrier, l’Écho de la Vallée du Loir. (1'57")
Liste des bucherons de 1850 à 1914 :
NOM Prénom Village
ADET René St Vincent du Lorouër - ADET Théodore St Vincent du LorouërL - BELLANGER Victor St Vincent du Lorouër - BERGEON/TULLEAU Eugène Mayet - BIGNON Joseph Chahaignes - BIGNON Pierre Chahaignes - BOUZEAU Auguste Mayet - BRIMBOL Ernest Marigné Laillé - BUSSON Louis St Vincent du Lorouër - BUSSON Jean Baptiste St Vincent du Lorouër - CARDO Antoine Marigne Laillé - CHALIGNY Pierre Marigné Laillé - CHANTOISEAU Armand Mayet - CHANTOISEAU Auguste St Pierre du Lorouër- CHARDON René St Vincent du Lorouër - CHARDON Hilaire St Vincent du Lorouër - CHARPENTIER Louis Mayet - CHAUSSON Georges Chahaignes - CHAUSSON René St Pierre du Lorouër - CHOUTEAU Joseph St Vincent du Lorouër - CIRET Pruillé L’Éguillé - COMPAIN Auguste Mayet - COMPAIN Henri Lavernat - COUDRAY Armand St Vincent du Lorouër - COURTEVILLE Ferdinand Lavernat - DERRÉ Auguste St Vincent du Lorouër - DERRÉ Louis St Vincent du Lorouër - DOMINEAU Etienne Chahaignes - DOUINEAU Julien Chahaignes - DOUINEAU Etienne Chahaignes - DRONNE Henri Lavernat - DROUAULT Henri Marigné Laillé - DROUAULT Louis St Vincent du Lorouër - DUBOIS Louis Mayet - DUPARC Jules St Vincent du Lorouër - DUPRÉ Marin Chahaignes - DUPUY Victor Mayet - FASSOT Joseph Chahaignes - FONTAINE Charles Mayet - FOUCHER Ernest St Vincent du Lorouër - FOUQUERAY Louis St Vincent du Lorouër - FOUQUET Roger Marigne Laillé - FOURMY Henri Marigné Laillé - FOURMY Emile Mayet - FRESNEAU Jules Mayet - GAULTIER Louis Jupilles GESLIN Roger Marigne Laillé - GODIN Etienne St Vincent du Lorouër - GODIN Etienne St Vincent du Lorouër - GOUFFIER Alexandre Chahaignes - GUIMIER Jean Baptiste St Vincent du Lorouër - GUIMIER Louis St Vincent du Lorouër - GUIMIER Auguste Thoiré/Dinan - HERVÉ René St Vincent du Lorouër - HERVÉ Théophile St Vincent du Lorouër - HERVÉ Ernest St Vincent du Lorouër - HUBERT Eugène Mayet - HUGER Francois St Vincent du Lorouër - JALANS Raphael Jupilles - JOUBERT Jacques St Vincent du Lorouër - LANDAIS Clément Mayet - LARDRON Louis St Vincent du Lorouër - LE SELLEC Jean Marie Mayet - LEBERT Antoine St Vincent du Lorouër - LEBERT Lazare St Vincent du Lorouër - LEBOUC Lucien Marigné Laillé - LECOMTE Louis St Vincent du Lorouër - LECOMTE Louis St Vincent du Lorouër - LEDUC René St Vincent du Lorouër - LEFEBVRE Ferdinand St Vincent du Lorouër - LEFEBVRE Louis St Vincent du Lorouër - LEGUILLON Albert Auguste Marigné Laillé - LE MEUNIER Maxime Pruillé l’Éguillé - LEPROUST Auguste Marigné Laillé - LESNAULT René Chahaignes - LESNAULT Pierre Chahaignes - LEVILLAIN Jules Thoiré/Dinan - LEVILLAIN Isidore Thoiré/Dinan - LEVILLAIN Georges Thoiré/Dinan - LUCE Félix St Mars d’Outillé - MANCELLIER Marius Chahaignes - MARAIS Henri Chahaignes - MARCHAND Albert Thoiré/Dinan - MENIER Raoul Mayet - MIGNOT Julien Chahaignes - MOREAU Ferdinand Marigné Laillé - MOREAU Clotaire Marigné Laillé - MOREAU Henri Jupilles - PAVY Albert Thoiré/Dinan - PÉNEAU Émile St Vincent du Lorouër - PEQUINEAU Jules Henri Marigné Laillé - PESNEAU Ferdinand St Vincent du Lorouër - PICHON Alexandre St Vincent du Lorouër - PORTE Jules St Pierre du Lorouër - POSSON Pierre Chahaignes - QUENTIN Achille Mayet - RAGOT Auguste Mayet - RANVAZÉ Pierre St Vincent du Lorouër - RAUX Narcisse Marigné Laillé - RAUX Gabriel Marigné Laillé - RENIER Francois Beaumont Pied de Boeuf - ROBERT Albert Marigné Laillé - ROGELY Louis Marigne Laillé - ROUILLARD Lucien Marigné Laillé - ROUSSARD Pierre St Vincent du Lorouër - SERPIN Urbain Chahaignes - SIMON Maurice St Mars d’Outillé - TABAREAU Joseph St Vincent du Lorouër - TABAREAU Noël St Vincent du Lorouër - TABEUR Raymond Thoiré/Dinan - TABEUR Emile Thoiré/Dinan - THIODET Alexandre St Vincent du Lorouër - THIODET Pierre St Vincent du Lorouër - THIODET Hilaire St Vincent du Lorouër - TROUILLARD Émile Marigné Laillé - TROUVÉ Marcel Lavernat - VENOT X Jupilles - VERITÉ Louis St Vincent du Lorouër - VIVET Jules Jupilles - Liste non exhaustive
Autres articles concernant les productions forestières:
Autres liens concernant les moyens d’exploitation de Bercé
Bibliographie :
Bercé, une forêt d’exception (Y. Gouchet - 2018)