DES SECRETS BIEN GARDÉS
Le plus gros foudre du monde
Tonnerre de Brest….
un foudre issu de Bercé !
Utilisé par les Celtes, apprivoisé par les Gaulois, il héberge le vin depuis plus de deux mille ans sans attirer l’attention.
S’il servait d’instrument de torture au Moyen-âge, il véhicule aujourd’hui le prestige et la tradition vinicole,
…Je suis… Je suis….. Je suis …le…
tonnelet … le tonneau… le fût… la busse (en Sarthe)… le baril… le foudre.
Car l’homme dans sa démesure, et face à l’accroissement de sa démographie a toujours recherché à fabriquer des récipients de plus en plus importants.
En 1591,

Foudre de Heidelberg 1591
En Allemagne, au château d’Heidelberg on construit le premier grand tonneau, puis en 1751 deux autres foudres, un de 30 hectolitres et le plus gros de 2.280 hectolitres.
Au vieux château de Ludwigsburg en 1719 un gigantesque foudre repose dans les caves. D’une capacité de 5.430 hectolitres, il était réservé à la dîme seigneuriale, il fut rempli pour la dernière fois en 1847.

Foudre de Ludwigsburg 1719
Cette réalisation exigea l’emploi de trente chênes, cinq hêtres et un poirier.
En 1871,
en France, Eugène Mercier lance la construction d’un foudre de 1.600 hectolitres et pour faire connaître son champagne, il va le déplacer jusqu’à Paris pour l’Exposition Universelle des produits alimentaires de 1889. Pour celle de 1900 un grand foudre est exposé par Adolphe Fruhinsholz.

Foudre des Champagnes Mercier en 1889
Il est mis en chantier dès 1890, car il a fallu huit ans pour sécher les bois et dix-huit mois pour le fabriquer. Ce foudre contient 4.330 hectolitres environ, soit à peu de choses près, le double de celui du château de Heidelberg pour un poids de 150.000 kilos.
En 1878,
En Hongrie on envoya à l’exposition universelle de 1878, dans trois wagons, l’énorme foudre de Nagykanizsa qui fut l’attraction de son stand. Ce «petit » chef d’œuvre d’une longueur de 5,50 m, avait nécessité des douelles de 20 cm d’épaisseur et pouvait contenir 1.000 hectolitres. 160 personnes purent se tenir à l’aise à l’intérieur !
En 1934,
à Thuir (au Sud-est de Perpignan), le succès du Byrrh atteint une renommée mondiale et la Maison Violet encore confiante en l’avenir, projette la construction d’une cuve en chêne de 4.205 hl : Ce foudre pèse 35 tonnes à vide et 455 en charge. Hauteur : 7,20m – diamètre : 9,30 m.

La tonnellerie Marchive-Fruhinsholz
Issu de Bercé, le plus grand foudre en bois de chêne au monde!
Mais celui-ci ne suffit pas et Thuir envisage la fabrication d’un deuxième foudre géant tronconique. Construit par la société française de tonnellerie Marchive-Fruhinsholz, sous un immense hall central (long de 81 mètres et large de 20) et dont la verrière est due à Gustave Eiffel, les aléas de la guerre, rendent complexe son édification car la maison Byrrh qui passa commande en 1935 ne réceptionnera sa cuve qu’en 1950.

Entrée de la tonnellerie mécanique
Concrétisation du projet.
Alors qu’en Sarthe le feu céleste du 18 décembre 1934 tue le célèbre chêne Boppe, Adolphe Fruhinsholz, dès 1935, parcours les plus belles chênaies de France et de Navarre, en quête des bois sur pied nécessaires à son projet de foudre géant.

Repérage dans les forêts Françaises
Après sa tournée, c’est finalement la forêt de “Jupilles” dans la Sarthe, qui retient toute son attention.

A Bercé avec le brigadier Pelletier
Le Brigadier Peltier accompagne pour l’occasion les acheteurs de la société Fruhinsholz en repérage sur Bercé.

Canton du Sault Moulin
C’est dans le canton du Sault-Moulin situé sur la commune de Jupilles et réputé
pour ses grosses pièces qu’ils dénichent les bois exceptionnels, rectilignes
et à grain fin recherchés. L’entreprise se porte donc tout naturellement
acquéreur, à l’automne 1937, d’un des lots porté à la vente.

Coût de la main d’œuvre en 1938

Éhouppage des abandons

Les hauteurs sont vertigineuses

L’éhouppeur au travail

Vue générale de la coupe
1938 :
Exploitation de la coupe dans le Sault-Moulin.
Pour éviter tout risque de fente de la grume lors de sa chute, des éhouppeurs armés de leur seule cognée sont engagés et l’exploitation réalisée à « culée noire (1) »
(1) (cela consiste à moiner
consciencieusement le pied
pour dégager et couper les
racines afin de déstabiliser
l’arbre dans sa chute).

Orlandini et Chesnier
La finition s’effectue au godendart (ce tire à toi, pousse à moi) cette méthode permettant à l’époque de gagner en longueur de grume. Pierre Orlandini de Jupilles et Marcel Chesnier de Chahaignes usent de ces outils dans cette coupe.

Les grumes en attente de débardage

Transport des bois à la gare la plus proche
Le débardage utilisait traditionnellement le cheval, mais depuis peu les tracteurs à chenilles pouvaient sur autorisation spéciale et écrite du service forestier, remplacer les charretiers ordinaires pour tracter les fardiers chargés de ces billes extraordinaires.
Note de service du 18 octobre 1937
des inspecteurs Ruban et Viney à l’usage
des forestiers de terrain. «L’appareil ne
devra pas pénétrer dans les endroits garnis
de semis, ou les grumes devront être halées….
Il y aura lieu de me rendre compte après
quelques jours de l’utilisation du tracteur
à chenilles un compte-rendu détaillé
concernant les inconvénients pouvant
résulter de son emploi pour les coupes
secondaires.
Il conviendra de veiller à ce que les
précautions voulues soient prises,
notamment en ce qui concerne l’équilibrage
des grumes, pour que les dégâts soient
réduits au minimum. »
Rien ne transpire de l’évacuation de ces bois
qui ont été chargés en gare pour Nancy.

arrivée des bois à Nancy

A la tonnellerie Marchive-Fruhinsholz

sur le banc de scie
Une fois sciés, les bois seront stockés sur place à la tonnellerie MARCHIVE-FRUHINSHOLZ de Nancy, le temps du conflit.

Immobilisation des bois sous couvert

Le stock en attente de la fin de la guerre
1939 :
débitage et cintrage des douves à la tonnellerie Marchive-Fruhinsholz de Nancy. Pour mettre en forme les pièces épaisses, Adolphe Fruhinsholz et ses chefs de fabrication eurent l’idée de faire cintrer les douves et les pièces de fond au moyen de la vapeur.

Étuvage des pièces

stockage des bois

Cintrage des douves
De 1939 à 1946 :
Séchage en forme toujours à Nancy. Durant la guerre les éléments de la cuve sont cachés et immobilisés.
De 1946 à 1949 :
Fabrication des éléments de la cuve aux ateliers Fruhinsholz à Nancy.

Chargement dans les wagons

Départ des éléments pour Thuir

Caractéristiques de la cuve
En fin d’année 1949,
le train achemine les éléments du foudre à Thuir … et le 2 février 1950 est effectuée la première mise en vin.

Début de la construction

Encore un effort

La cuve en phase finale

Cuve terminée

Détail de la cuve
Conclusion
Un monument des plus singuliers et le plus grand dédié au « vin allemand » fut construit au printemps 1934 par le tonnelier vigneron Fritz Keller sur la place du marché aux saucisses de sa ville natale Bad Durkheim: “le Tonneau Géant” mondialement connu.
Pour construire celui-ci d’un diamètre de 13,5 mètres et d’un volume de 1,7 millions de litres, Fritz Keller et ses aides ont consommé plus de 200 mètres cube de pin….. Mais ce tonneau n’est autre qu’un … restaurant et non un foudre
et là…. on ne joue pas dans la même cour.
Aujourd’hui, l’emploi de nouveaux matériaux, permet toutes les audaces et de plus grandes capacités ont put être atteintes, tel ce foudre Argentin de 52.520 hectolitres construit en béton armé par exemple.
Mais n’en déplaise aux adeptes du ciment, du fer et du plastique, le bois reste indispensable pour la conservation et le vieillissement des vins et des alcools.
Il permet notamment une bonne oxygénation et une certaine évaporation …. que l’on nomme à juste titre……
la part des anges !
Bref, il n’est pas de grands vins, sans beaux raisins… pas de bons fûts sans grands chênes à grain fin….. ceux de Bercé en l’occurrence !
Si de 1934 à 1950 le foudre de Thuir a été le plus grand du monde, il ne démérite en rien de sa réputation et n’en reste pas moins le plus grand foudre en chêne du monde, exhalant ainsi subtilement les senteurs du massif de Bercé.
Des frères Violet à Pernod-Ricard….en passant par Cusenier

La Publicité
La Maison Byrrh détient donc à ce jour le record et dispose en son parc de 800 cuves y compris 70 foudres de plus de 2000 hl chacun, permettant un stockage total de 40 millions de litres.
Véritable ville dans la ville, la société occupe une superficie de 7 hectares. Pendant longtemps elle a eu sa propre gare, désaffectée en 1989. La visite en vaut le détour.

Originalité du nom Byrrh

30 octobre 1927 à Jupilles
Publicité prémonitoire en 1927 à Jupilles.
N’oubliez jamais, qu’une boisson alcoolisée se boit toujours avec modération …!
Bibliographie :
Archives ONF, Cusenier, Wikipédia.
Yves Gouchet : Revue « au Fil du Temps » n° 53 et 54 page diverses (oct.2011 - janv.2012)
Iconographie :
Photos Cusenier (Maison Byrrh, pour le reportage Photographique)