DES SECRETS BIEN GARDÉS
Chêne Lorne
Le samedi 27 septembre 2008 à 17h un forestier d’exception est de nouveau mis à l’honneur par ses pairs de l’O.N.F. Une centaine de personnes parcourent avec une certaine jubilation les quelques 300 m qui les séparent du Géant énigmatique.

La découverte du Chêne Lorne
Après avoir été accueillis par Pascal Jarret (responsable forêt), Jean Marc Auban (directeur d’agence), Dominique Bouthier (directeur territorial), et avant que ne s’expriment Fabien Lorne et Roland du Luart, Bertrand Lorne, l’aîné de la famille prend la parole en ces termes :

Intervention de Bertrand Lorne
Amis de la forêt, chère famille, c’est avec beaucoup d’émotion, mais également de fierté, que notre famille se trouve réunie aujourd’hui dans cette magnifique forêt de Bercé qui était si chère à Papa et qui évoque pour nous tant de souvenirs ; nous avons tous en mémoire nos séjours au pavillon de Bercé, avec le voisinage si sympathique de M. Calvel, chef de district, et de son épouse. Nous sommes conscients de l’honneur que représente le baptême d’un chêne au nom de Papa et en remercions le corps des Eaux et forêts auquel il a été si attaché et si fier d’appartenir. De son éducation, Papa avait hérité le sens du devoir, de la patrie, de l’honneur, des traditions familiales avec une totale intégrité. C’est ainsi, qu’outre les forêts, sa vie, toujours animée par une foi profonde, a été au service de deux autres grandes passions : La France, et sa famille
Cet officier des Eaux et forêts,
fut précurseur d’une sylviculture moderne, et se présente :
J’étais entré à l’École forestière en octobre 1938 et j’ai pris ma retraite de l’administration sitôt que les Statuts du corps me le permettaient, c’est-à-dire à partir de 55 ans.
Les premières années, c’est la période de l’École forestière,
celle que j’ai passée d’une manière si intéressante et sportive
en Algérie, mais aussi celle où je fus un acteur des
“Chasses Présidentielles” à Rambouillet ou Saint-Germain.
Reste la longue période qui suivit,
Elle débuta au Mans le 1er septembre 1949 et se termina, là aussi le jour où je pris ma retraite, puisque je parvins à m’y maintenir tout ce temps, c’est à dire pendant 20 ans.

Rémond Lorne
Arrivant de Saint Germain, Rémond LORNE est nommé au Mans comme “adjoint au Conservateur”, Monsieur BLOUERE. Il rejoint vite l’inspecteur Viney qui gère les forêts domaniales de la Sarthe. Ce dernier lui attribue les travaux.
Souvenez vous, cet été 1949 est particulièrement chaud et sec.
450 ha brûleront dans la partie résineuse de Bercé.
Adjoint à l’inspecteur Viney (1949-1953)
Il arrive de la région Parisienne en famille avec son épouse Solange de Suin.
Je fus nommé au Mans comme “adjoint au conservateur”. Celui-ci, Monsieur Blouère, homme de bon sens savait bien que cette fonction ne présentait que peu d’intérêt pour un jeune et il s’était constitué pour cela une bonne équipe d’administratifs. Il n’avait donc pas besoin d’un adjoint, aussi me mit-il en fait à la disposition de l’inspecteur du lieu, Monsieur Viney qui gérait les forêts domaniales de la Sarthe. Elles étaient fort belles. Bercé et Perseigne, ou intéressantes parce qu’à mettre en valeur, Sillé le Guillaume et la Petite Charnie, acquises il y avait 50 et 30 ans. Au total 15 000 hectares avec un personnel nombreux et compétent.
Chargé de l’intérim de l’inspection du mans (1953-1956)
Viney partit en septembre 1953 comme Professeur puis directeur, de l’École forestière de Nancy. Je fus alors chargé de l’intérim de l’inspection qui se prolongea puisque Moustier, nommé à la place de Viney, ne put prendre son poste qu’en septembre 1956 faute de logement sur Le Mans.
A l’inspection du Mans avec Mr de Moustier (1956-1960)
Il me fallait seul assurer le travail de deux.
C’etait possible, a condition d’être un peu moins
“relaxe” qu’avec Viney. Et j’étais ravi de pouvoir
piloter personnellement cette inspection très
intéressante que je connaissais bien.

Aux Clos en 1959
Chargé à la conservation, du service de la forêt privée, de la chasse et de la pêche. (1960-1963)
La Conservation, à l’époque, couvrait la Sarthe, la Mayenne, le Maine et Loire et l’Indre et Loire. Il m’appartenait donc, au nom du conservateur, d’agir auprès des Inspections de ces trois départements pour animer ces actions, et dans la Sarthe, de le faire en direct, l’inspection n’étant chargée que de la gestion des forêts domaniales qui y sont très importantes.
La maison du Bourg d’Anguy
"En 1956 la "cohabitation" avec Mr de Moustier
qui dura un peu plus de trois ans, se
passa finalement assez bien. Je reprenais mes
fonctions de charge des travaux en forêt et
nous ne "martelions" pas toujours ensemble,
Moustier plutôt a Perseigne et moi à Bercé.
Il est vrai que nous avions été bien occupés,
pendant des semaines, par le déplacement de
nos bureaux.
Le service de la Forêt privée,
avec Monsieur Ruban, occupait une partie d'un bel
hôtel fin XIXe rue du Bourg d'Anguy. Mis en vente,
Monsieur Blouère obtint le crédit nécessaire pour
l'acheter et ainsi toute la conservation
put-elle se regrouper là.
Quittant des locaux bien pauvrets, nous nous
installions au contraire dans un immeuble très cossu,
qui convenait bien a l'image de marque de notre
vieille et vénérable administration.
Le cadre matériel dans lequel je vivais
m'était très sympathique.
J'ai déjà évoqué cette belle maison du Bourg d'Anguy.
L'on y entrait par une grande grille et un
joli jardin aux tilleuls taillés où les
voitures pouvaient stationner.
La maison elle-même, de la fin du siècle
dernier, était plus cossue que belle.
Le bas était constitué par les pièces
de réception : deux grands salons dans
lesquels travaillait mon personnel, mon bureau
était dans la salle à manger, du genre de celle
de la rue de la Mariette, les belles boiseries
en moins, mais avec une cheminée presque identique.
La conservation proprement dite occupait le
1er étage et l'inspection le second.
Une balustrade
en pierre bordait l'avancée en terrasse des deux salons.
Le "pivot" de mon personnel était Madame Robert,
une vraie secrétaire intelligente, vive et fort sympathique."
Conservateur, puis directeur régional de l’Office national des forêts 1964- 1969
La vie au Mans suivait son cours et l’événement du moment était le chamboulement du centre ville avec l’ouverture de ce que l’on appelait la “Percée Centrale” et qui devint l’Avenue de Gaulle.
Notre agréable immeuble du Bourg d’Anguy devait être rasé et en contrepartie, nous avions de vastes bureaux au 13 Avenue de Gaulle.
Je confiais toutes ces démarches au chef de bureau qui s’en délectait et c’est à cette occasion, avant le passage du bulldozer que je pus récupérer les cheminées qui sont ici, la grande glace de l’entrée des Forestiers la balustrade qui vient enfin d’être montée.
Je n’intervins dans notre nouvelle installation que pour mon propre bureau qui fut magnifique avec de grandes baies d’où l’on voyait toute la ville. C’était en 1967.
Comme travail de fond, j’avais entrepris la révision de l’Aménagement de Bercé, ce qui me permettait de pérenniser au moins pour 20 ans ces idées que j’avais émises.
Et vint l’approche de mes 55 ans et donc de ma demande de mise à la retraite prématurée. … choisissant comme terme le 31 décembre 1969, soit 31 ans de service, moins les coupures de la guerre, (un peu plus de 4 ans), j’ai donc “servi” comme forestier de l’état durant 27 années.
Courant décembre, je réunis tout le personnel de terrain à l’auberge de l’étang de Sillé (les Richefeu) pour lui faire mes adieux. De la Broise, (Maine et Loire) au nom de tous, prononça un petit discours.
Delaballe (le directeur Général) tint à venir me faire ses adieux lui-même, ce fut l’occasion d’un déjeuner avec mon sympathique personnel de bureau et celui, dont Madame Robert, que j’avais eu au Service de la Forêt Privée et qui était passé avec Sallé à la D.D.A.
J’avais eu personnellement la chance de rester sur place, sans les déménagements fréquents de bien d’autres, et de devoir m’occuper de forêts exceptionnelles ou de collaborer avec des propriétaires bien sympathiques dans cet Ouest de la France.
Mais j’ai vécu aussi en 1966 le démantèlement de ce corps des Eaux et forêts auquel j’avais été fier d’appartenir, mais personnellement jusqu’au bout, je n’eus pas à en souffrir vraiment dans mes fonctions.
Il était bien loin le temps du regret de ne pas avoir obtenu les Haras ! Ou celui d’avoir travaillé d’arrache-pied pendant cinq ans pour entrer à l’Agro et en sortir dans un rang qui m’ouvrait cette carrière.
Une telle carrière valait bien qu’on lui eut sacrifié cinq ans de sa jeunesse..
C’est en 1985, à 71 ans, que j’ai cessé toute activité professionnelle au soir de cette dernière vente du cabinet Lorne où j’étais devenu l’adjoint de Fabien.
La parcelle 132 :
Parcelle label & nouveau centre d’intérêt du massif.

Le chêne Lorne
Depuis 2005 un projet de baptême mûrissait. Un nom, s’imposa tout naturellement, celui de l’officier des Eaux et Forêts Rémond LORNE. L’Office National des Forêts lui rend donc hommage ce 27 septembre 2008, en baptisant le chêne le plus majestueux de la parcelle 132 (d’une surface de 28 ha52, ensemencée vers 1789). Situé dans son enclos, près du rond de la Croix-Marconnay, d’une circonférence de 3,30 mètres, d’une hauteur sous branches de 20,50 mètres et du haut de ses 43 mètres, ce géant rivalise sans complexe avec les chênes Boppe, Roulleau, Potel & Muriel, fleurons de la futaie des Clos. Les deux enclos (Clos du chêne Boppe & Clos du chêne Lorne) étaient autrefois livrés à la culture et au pâturage. Ceux-ci sont encore visibles, car bornés par de grands fossés. Procédant à l’inventaire des richesses de l’enclos du chêne Lorne (8,62ha), nous y repérerons deux mares permanentes, trois temporaires et à proximité : cinq ferriers. La mise en valeur touristique et pédagogique de ces éléments patrimoniaux est de nature à plaire à Rémond Lorne ce forestier, lui aussi devenu Chêne.

La parcelle 132
Automne 2010
Robert Calvel, n’a pu pour raisons de santé assister à la cérémonie du baptême de l’arbre. Aussi prend-il la peine dés qu’il en a la force d’aller planter quelques perce-neige au pied de l’arbre élu, en ultime hommage envers son ancien inspecteur et ami Lorne. (Calvel originaire de Saint-Gobain l’avait connu là-bas)
Robert, s’éteindra quelques mois plus tard, pour rejoindre lui aussi ses perce-neige en forêt de Saint-Gobain, ne nous laissant en mémoire que ce dessin et quelques textes dont … « Galanthes, mes amours ».

Hommage de Robert Calvel à son ami
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Bibliographie :
Archives familiales Lorne et ouvrages de Rémond Lorne.
« A la recherche de la qualité et des gros diamètres dans les futaies de chênes » (Revue Forestière Française 1956).
«Étude quantitative sur les éclaircies dans les futaies de chênes », publiée en 1959.
« La sylviculture de l’avenir » parue en avril 1961.
Revue Au Fil du Temps N° 43 & 44 - Pages diverses (Y. Gouchet - 04 & 07- 2009)